• Le dragueur

     Vous êtes dans votre transport en commun préféré. C’est l’automne et le soleil joue avec les feuilles jaunies.

    Votre 1ere semaine en fac commence pleines de promesses. En quittant votre village pour découvrir la vie citadine vous vous êtes naïvement fixé un objectif : rencontrer des personnes venant d’autre pays, des gens nouveaux provenant de différents horizons mais malheureusement vous découvrez bien vite que dans votre filière il n’y a que des français et 2 Ukrainiennes (sans doute perdues) qui préfèrent rester entre elles.

     A l’automne s’ouvre la période de la chasse, les prédateurs rodent. Imaginez la scène. 

    Vous êtes donc dans le tram, vous regardez dehors ou les usagers. Vous ne connaissez pas encore les parades indispensables à la survie en transport en commun comme ne jamais regarder les autres, avoir les yeux qui se baladent d’un point à un autre sans jamais rien fixer ou mieux avoir un livre et un MP3 avec soi qui empêche ainsi tout début de discussion.

     Un jeune homme s’assoit à coté de vous. Que dis-je, il s’assoit carrément sur vous, semblant ignorer la règle élémentaire de la distance de sécurité nécessaire entre deux personnes qui ne se connaissent pas. Curieuse, vous lui lancez un regard, il vous sourit, vous aussi (vous êtes encore polie à ce moment là mais ça va vite changer). Avec ce simple geste de sympathie vous venez de signer votre arrêt de mort : vous êtes en présence d’un prédateur redoutable : le « dragueur ».

     Le « dragueur » est facilement reconnaissable à ses vêtements. Il y a les « Hugo Boss », pour les plus fortunés, souvent accompagné de grosse lunette et grosse montre histoire de montrer l’étendue de leur richesse (« pourquoi prend-il le tram ? » me diriez vous. Et bien pour draguer tout simplement). Pour les moins riches, on a souvent affaire au « total look » : au choix : Jogging-basket (oui ça existe) avec la chaine en or et la casquette ou encore Jeans-chaussure avec petit pull moulant et sacoche (pour les plus audacieux)

    Là nous sommes en présence d’un « total look » Jogging-basket avec supplément casquette et grosse gourmette (oui comme pour tout il y a des variantes). 

     En lui souriant, vous avez signalé a votre « dragueur total look » que vous souhaitiez engager la conversation (du moins c’est ce qu’il pense) et aussitôt il attaque : « bonjour ». Vous êtes encore polie et décidez de répondre timidement : « bonjour ». Le piège se ressert en lui répondant, le « dragueur » s’imagine qu’il vous intéresse et fort de cette remarque continue : « qu’est ce qu’une jolie fille comme toi fait toute seule dans le tram ? ».Oui le dragueur vous tutoie directement, créant ainsi un rapprochement que lui seul imagine. Vous, vous préféreriez fuir comprenant à qui vous avez affaire mais malheureusement vous êtes enfermée et très en retard, vous allez donc devoir attendre votre arrêt.

    Le dragueur attend votre réponse qui ne se fait pas attendre « je vais à la fac ». Il enchaine :

     

    - T’es en quelle année ?

     

    - En 1ere.

     

    - Tu peux donc rater les cours et venir boire un verre avec moi ?

     

    Le dragueur une fois de plus est direct, il s’imagine irrésistible et pense qu’il lui suffit de demander pour voir sa requête accordée.

     

    -Non, répondez vous, je vais en cours et puis j’ai un copain.

     

    Cette parade vous parait parfaite ? Détrompez-vous.

     

    - Je ne suis pas jaloux. Ton copain ne l’est surement pas non plus…mais puisque tu as cours, donne moi ton prénom et ton numéro comme ça on pourra s’organiser une soirée tout les deux.

     

    A voir votre tête vous n’en avez pas envie mais le dragueur ne lâche jamais une proie. Il attend patiemment.

     C’est à ce moment là que vous pouvez reprendre le contrôle de la situation. Soit vous êtes désespérée et seule et vous lui donnez votre vrai prénom et votre vrai numéro soit…

     - Je m’appelle Gertrude, répondez vous avec un sourire.

    Le dragueur sourit à son tour :

    - C’est un très joli prénom. Tu me donnes ton numéro ? 

    Pas de chance vous avez affaire à type « arracheur de dent » ou encore « prêt à tout ». Désirant mettre un terme à cette discussion qui a déjà assez durée, vous lui donnez un faux numéro (soit avec des chiffres au hasard, soit le numéro de votre pire ennemie, la vengeance étant un plat qui se mange froid)

    Fière de lui, le « dragueur » vous donne son numéro (on ne sait jamais, si vous ne tenez plus et voulez à tout prix le rappeler dans les 3 minutes).

    Enfin, votre arrêt arrive, vous vous levez avec un « au revoir » qui signifie « à jamais », lui comprend « à bientôt » et vous assène le coup de grâce « on s’appelle bientôt, et tu vas voir, avec moi tu vas passer une soirée inoubliable »

    Vous descendez en riant imaginant sa tête lorsqu’il se rendra compte que vous lui avez transmis un faux numéro.

    Le dragueur vous regarde par la vitre, vous fait un dernier clin d’œil puis un sourire, il pense que vous ne lui échapperez pas mais pour une fois, la biche a été plus maligne que le lion…

     

    La grève »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 22 Mai 2014 à 18:34

    J'adore ! Une sorte de fable de La Fontaine moderne, c'est très bien tourné !

    Ça m'est déjà arrivé aussi de me faire draguer par le "total look", un mec est venu me voir pour avoir mon numéro (en fait c'était son pote trop timide que j'intéressais) mais j'ai tout de suite dit non et il n'a pas insisté. Le genre de mec qui quand il voit quelqu'un avec un livre se met à crier comme s'il avait vu un extraterrestre.. ;)

    Encore une fois, j'adore ton texte ! Bonne soirée ^^

    2
    Jeudi 22 Mai 2014 à 18:38

    C'est les pires ceux là qui envoyent leur pote en éclaireur !! Merci et bonne soirée

    3
    Vendredi 18 Juillet 2014 à 13:14

    Bon texte encore une fois!

    4
    Vendredi 18 Juillet 2014 à 13:37

    Merci :)

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