• Croute de Fromage

    Aujourd'hui, j'inaugure le petit jeu que  j'ai lancé voilà quelques temps. Swirl a voulu que j'écrive une nouvelle ayant pour thème "croute de fromage". J'espère avoir relevé le défi. En attendant vous pouvez toujours aller lui faire un petit coucou ici

     

     

                Il s’appelait Arthur mais nous, on l’appelait Croûte de Fromage. Au début s’était un garçon comme les autres dans notre classe, qui ne faisait pas de bruit. Un peu timide, plutôt bon élève, il ne se faisait pas remarquer.

     

                Mais un jour, il est arrivé en retard en cours de mathématique, il avait une tache de sauce sur sa chemise usée ; son pantalon était troué aux genoux, ses cheveux bruns étaient trop plaqués sur son crâne et l’un des élèves du premier rang a remarqué que ses lunettes tenaient avec du scotch. Ca a commencé comme ça, l’un d’entre nous lui a demandé dans quelle poubelle il avait acheté ses lunettes, ça nous a tous fait rire mais pas lui, bien évidemment. Par toujours facile d’avoir de la répartie à quinze ans. Il s’est assis à sa place, rouge de honte.

     

                Il aurait dû répondre plutôt que de s’enfoncer dans son silence, car voyant que nous pouvions avoir de l’ascendant sur lui, les moqueries ont continué. L’une des filles a remarqué qu’il avait le visage recouvert de boutons acnés séchés, une autre a dit que sa figure ressemblait à une croûte de fromage, et c’est de là qu’est né son surnom.

     

                Pour nous, classe de seconde, il n’était plus Arthur mais Croûte de fromage. On riait de ses vêtements, de sa coupe de cheveux, de ses résultats scolaires. Certains le faisait trébucher dans les couloirs, lui appuyait sur son sac à dos pour qu’il le lâche ou encore le poussait. On a même été jusqu’à lui lancer des boulettes de papiers et du chewing gum dans les cheveux durant les cours. Il en avait pleins, ça devait être un enfer pour tout enlever une fois rentré chez lui. Mais comme il ne disait rien, nous continuions, comme si nous voulions savoir combien de temps il pourrait encore nous supporter. Pour nous s’était un jeu : à celui qui aurait le plus de patience, sauf que Croûte de Fromage ne pouvait pas gagner, s’était impossible.

     

                Plus personne ne voulait s’asseoir à coté de lui en cours, s’était toujours le dernier choisi pour former les équipes durant les cours de sports. Il n’avait pas d’ami, être surpris avec lui signifiait être un raté, un nul, un paria et personne ne voulait de ce rôle.

     

                C’est à la cantine que sa solitude devait être à son maximum. Manger seul, en regardant le mur ou par la fenêtre, n’avoir personne avec qui rire, ni parler. Voilà la vie de Croûte de Fromage au lycée.

     

                Un jour, le proviseur est venu dans notre classe, il avait une mauvaise nouvelle à nous annoncer. Croûte de Fromage, Arthur, était mort. Il s’était suicidé. Pendu à une poutre dans sa chambre, c’est comme ça qu’on l’a retrouvé. Et c’est là que nous avons découvert qui il était vraiment. Nous avons appris que son père le battait, que sa mère était morte en lui donnant la vie. Qu’il n’avait aucun endroit où il pouvait être en sécurité, sauf quand il se trouvait au lycée et nous lui avions enlevé cela.

     

                Nous avons appris qu’il voulait devenir médecin, avocat ou ingénieur, faire des études pour sortir de cette misère dans laquelle il vivait avec un père qui lui reprochait la mort de sa femme, qui dépensait son argent en alcool au lieu de lui acheter des vêtements, des cahiers, des livres ou même à manger. Il avait appris très tôt à se débrouiller seul, à voler pour se nourrir, voir parfois à mendier. Heureusement sa grand-mère maternelle lui donnait parfois un peu d’argent. S’était la seule personne qui l’aimait, devait il se dire, la seule qui ne lui reprochait pas la mort de sa mère, la seule qui ne lui tapait pas dessus, la seule qui ne se moquait pas de lui. Alors pourquoi ne pas lui avoir tout raconté ? Personne ne le saura jamais. Il a emporté ce secret dans sa tombe. Il aurait suffit d’un mot de sa part pour que toutes ses souffrances cessent.

     

                Quand j’ai appris cela, j’ai eu honte. Honte de nous, de notre bêtise. Pourquoi s’acharner sur lui ? Il était déjà tellement malheureux. Toute la classe s’est collectée, nous lui avons acheté une jolie gerbe pour mettre sur la tombe, une carte où chacun a pu mettre un mot. Quels hypocrites nous faisions ! Après s’être moqué de lui alors qu’il avait besoin d’aide       nous étions là en train de pleurer pour lui. Toute la classe a été autorisée à se rendre à l’enterrement. Moi, je n’ai pas pu y aller. C’était trop dur, je ne pouvais pas faire comme si rien ne s’était passé. Je dois apprendre à vivre avec ce poids maintenant car c’est moi qui lui ai donné ce surnom. C’est à cause de moi qu’un jour Arthur a cessé d’exister pour devenir Croûte de Fromage.

     

    « 1000 !!Il est temps... »

  • Commentaires

    1
    Mardi 2 Septembre 2014 à 10:03

    C'est vraiment une superbe nouvelle, touchante et bien écrite. Défi relevé !!

    Juste une petite faute : "C'était trop dur" et non "S'était trop dur". wink2

    Encore bravo :)

    2
    Mardi 2 Septembre 2014 à 10:14

    Merci à toi :)

    Je corrige ça !

    3
    Mardi 2 Septembre 2014 à 10:26

    Ah, et ton article s'appelle Croute de Fromge... C'est une nouvelle sorte de fromage ? :D Tu pourras supprimer ce commentaire après, si tu veux.

    4
    Mardi 2 Septembre 2014 à 10:41

    Punaise j'ai fait ça avec mon fils de 1 an sur les genoux, pas facile de se concentrer !! Merci

    5
    Mardi 2 Septembre 2014 à 10:48

    Aha d'accord, de rien :D

    6
    Mardi 2 Septembre 2014 à 17:30

    J'adore ce texte! Émouvant à la fin

    7
    Mardi 2 Septembre 2014 à 17:42

    Merci beaucoup

    8
    Mercredi 21 Janvier 2015 à 17:30

    On regrette toujours quand c'est trop tard... Belle nouvelle qui, malgré un thème récurrent, a su être touchante et pleine de sentiments..

    À bientôt :)

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